Des trois volets du travail de professeur.e et de professionnel.le.s enseignant.e.s, le service à la communauté est peut-être le plus concret mais le plus méconnu aussi. L’APPUSB a rencontré des membres de différentes disciplines (biologie, éducation, histoire, psychologie, travail social) pour mieux comprendre en quoi consiste leur travail.
Troisième volet
Le service, un engagement pour la communauté
Un travail administratif
Le service constitue une catégorie fourre-tout qui comprend l’ensemble des activités que les professeur.e.s et professionnel.le.s enseignant.e.s font en dehors de l’enseignement ou de la recherche. On peut identifier trois grandes catégories de service. La première consiste en un travail administratif, qui comprend la préparation et l’avancement de dossiers ou de prise de décision, et ce afin d’assurer le bon fonctionnement de l’institution. Leur participation se manifeste à l’intérieur de l’université, dans les multiples instances dont les décisions doit être le résultat de plusieurs perspectives. Le Sénat, la plus haute institution de l’Université sur le plan académique, a des représentants de chaque département, de l’association des professeurs et professionnels et de l’association étudiante. D’autres comités vérifient le respect des objectifs pédagogiques pour toute modification de cours ou de programmes, assurent le respect de codes d’éthique pour la conduite d’un projet de recherche sur des sujets humains, élaborent les politiques communes ou proposent des activités pour la communauté de l’USB. À l’extérieur de l’USB, c’est le même travail qui se fait, souvent à titre de membre dans des comités administratifs ou de groupes de consultation d’organismes scientifiques ou communautaires. En soi, l’expertise des professeur.e.s est requise pour déterminer des objectifs, des règles ou prendre des décisions.
Expert, consultant ou juge
Le second type de service est celui d’expert, de consultant ou de juge pour toute sorte de projets ou de compétitions. C’est typiquement le cas des compétitions amicales visant les élèves du secondaire, les bourses pour les étudiant.e.s, les stages postdoctoraux ou les subventions de recherche délivrées au niveau provincial, national ou international. Cette fois, les professeur.e.s et les professionnel.le.s enseignant.e.s agissent comme évaluateurs chargés d’interpréter les critères et mesurer le mérite des candidatures. Il en va de même lorsque les revues scientifiques ou les presses universitaires demandent aux professeur.e.s d’agir à titre d’évaluateur anonyme d’un article ou d’un livre scientifique ou lorsqu’ils ou elles siègent à des jurys nationaux d’octrois de bourses prestigieuses dans leurs domaines de spécialisation.
La vulgarisation du savoir
Enfin, les professeur.e.s et les professionnel.le.s enseignant.e.s sont souvent sollicités pour expliquer ou commenter un sujet au grand public. Ils apparaissent dans les médias ou donnent des conférences publiques. Cette interaction est essentielle et demande aux professeur.e.s d’être en mesure d’expliquer des sujets complexes à un public non averti. « Il faut se montrer présents et accessibles » explique un.e membre. Ils sont donc des spécialistes mettant leur expertise au service de plusieurs objectifs.
Une responsabilité pour la collectivité
La raison principale de cette disponibilité réside dans le sens du devoir par rapport à diverses communautés. « C’est un engagement qu’on doit accepter dans notre rôle. Nous avons des connaissances, de l’expertise, des talents à contribuer. » C’est par rapport à l’université, ses étudiants, ainsi que les collègues de la même discipline que s’effectue ce travail. Cependant, le service se manifeste également vis-à-vis de minorités, de populations marginalisées.
Une francophonie en situation minoritaire
Le service dans un contexte de francophonie minoritaire prend par conséquent tout son sens. Les professeur.e.s et les professionnel.le.s enseignant.e.s répondent souvent à une triple mission : ils sont présents dans les organismes et les institutions locales qui disposent de peu de personnes pour les faire fonctionner; ils font connaître le Manitoba à une francophonie plus large, apportant une autre réalité que celle de grands centres, comme la France ou le Québec; enfin, ils représentent les francophones dans une société canadienne et particulièrement dans les institutions anglophones où leur présence est souvent défaillante. À l’instar de nombreuses autres minorités, c’est un fardeau supplémentaire de demander aux francophones en situation minoritaire de surmonter les obstacles naturels et historiques qui les défavorisent et de prendre une place de leadership dans les instances de décision d’aujourd’hui. En raison du service à la communauté qui leur est demandé, les professeur.e.s et les professionnel.le.s enseignant.e.s sont souvent exposés à cette triple responsabilité, chose que tous les membres de la communauté franco-manitobaine comprennent et assument trop souvent au quotidien.
De toute évidence, le soutien du monde académique est important pour les institutions et les organismes qui ont besoin de ses professeur.e.s pour l’expertise et la contextualisation qu’ils offrent. «C’est utile pour les organismes avec qui je travaille, de savoir que cette problématique est discutée dans des webinaires rassemblant plusieurs universités.» De la même manière, l’implication dans le service est utile à l’enseignement. Il offre des idées et des cas d’étude d’actualité pour les cours des professeurs. Il crée également des liens importants pour des partenariats futurs pour la recherche ou le placement d’étudiants pour des stages ou des emplois d’été.
La contrepartie d’une présence publique
Bien que le service soit une composante indispensable du travail de professeur.e.s et de professionnel.le.s enseignant.e.s, il comporte aussi plusieurs problèmes. Le premier et le plus évident est le risque que courent les professeur.e.s en s’exprimant sur la place publique. Souvent, c’est précisément en raison de leur rôle d’experts indépendants qu’ils se permettent de poser un regard critique sur plusieurs points d’actualité. Cependant, ils en subissent les contre-coups et sont parfois l’objet de véritables campagnes d’intimidation. «Je n’en dormais plus la nuit, » confie un.e membre.
Des services en chaîne
L’engagement dans les services peut également générer une dynamique plus pernicieuse. En effet, un service en entraîne souvent un autre. C’est le cas de tout le travail dans des comités dont l’expertise est nécessaire pour le travail d’un autre comité. D’ailleurs, de trop bons services encouragent également d’autres comités à se tourner à nouveau vers les mêmes personnes pour faire avancer leurs dossiers. «On est, en quelque sorte, puni.e.s lorsque l’on fait trop bien notre travail. » Le fardeau s’accumule et amène souvent les professeur.e.s à être dans la position délicate et souvent déchirante de devoir refuser de faire partie de causes qu’ils ont à cœur, simplement parce que leur emploi du temps ne leur permet pas. «Plus je m’engage à participer dans différentes activités ou différents comités, plus la demande augmente. Je dois être stratégique avec mes choix en fonction du temps disponible. » Les professeur.e.s et les professionnel.le.s enseignant.e.s, en dépit de leur bonne volonté, ne peuvent donc pas s’engager pour toutes les causes qui leur sont chères.
Un impact parfois ignoré
Enfin, le plus grand défi se trouve dans le fait que l’on ne mesure parfois pas la différence entre différents services en termes d’impact. « J’ai parfois l’impression qu’on valorise des “réussites” qui n’ont pas vraiment d’impact et que l’on ignore au contraire, des réalisations qui reflètent les valeurs de base de ma discipline et qui ont un véritable impact. » Les professeur.e.s et les professionnel.le.s enseignant.e.s n’ont parfois pas les moyens de mettre en valeur les réalisations en terme de service à la même hauteur que leur enseignement, leurs œuvres de création ou leurs avancées dans la recherche.
Une interaction nécessaire entre l’université et la communauté
Cependant, cet engagement dans le service est plus qu’utile. «Je ne compte pas les heures. » Ce travail, de concert avec la communauté, constitue un lien vital entre l’université et la communauté. «Nous sommes les ambassadeurs de l’Université. Lorsqu’on contribue au développement communautaire, nous créons une image positive de l’établissement. » L’interaction constante avec la société, les questions d’actualité et les organismes communautaires assurent à nos étudiants d’avoir un cadre d’apprentissage qui leur montre que leurs habiletés et leur savoir ont une portée qui dépasse de loin le cadre de leur vie individuelle.